Connexion

Pourquoi Lavondyss ?

 

Il y a peu ou prou 18 ans, à Melun, on me faisait rentrer (un peu de force) dans une librairie péniche amarrée au bord de la Seine. J'ai saisi et suis ressorti avec un unique livre. En bon monomaniaque je ne me suis intéressé qu'à celui-ci. En bon monomaniaque, j'en suis toujours captif.

Ce livre c'était la Forêt des mythagos de Robert Holdstock, dans sa version Folio SF.

Pour ceux qui ne connaissent pas encore, le roman se déroule autour et dans une forêt enchantée qui puise dans l'inconscient collectif pour donner corps à des figures mythiques. Le récit trouve sa tension dans un antagonisme familial poignant. La plume habile de Robert Holdstock parvient à faire bruisser et se mouvoir la forêt de manière à restituer cette tension, comme un archet viendrait frotter une corde.

Le second tome de la saga raconte la quête d'une jeune fille vers le cœur de la forêt, Lavondyss, pour y secourir son frère emprisonné. Il s'agit d'un paradis inaccessible qui représente la source de chaque mythe, de chaque histoire.

Lavondyss est un roman initiatique riche et complexe qui fait le lien entre les histoires et l'apprentissage.

A vrai dire, toute la saga parle de récits, de leur caractère itératif et évolutif, de ce qu'ils disent de l'humain, de l'histoire.

 

Ah, et bien sûr, j'ai tenté de retrouver cette librairie péniche. Mais en bon agent du destin, elle avait disparu.

Qui est Robert Holdstock ?

Robert Holdstock est né en 1948 dans le Kent. Après un parcours scientifique spécialisé en zoologie, il entame par la suite une courte carrière en recherche médicale. Sa première publication A Pauper’s plot paraît dans la revue New Worlds en 1968 et son premier roman Eye Among the Blind est publié en 1976. C’est à partir de cette année-là qu'il se consacre pleinement à l’écriture.Il devient un auteur de premier plan avec son roman Mythago Wood, en français La Forêt des mythimages (puis Mythagos) paru en 1984 en Angleterre et en 1987 en France aux éditions La Découverte (oui oui) dans une traduction de William Desmond. Viendront chez nous l’année suivante Lavondyss, puis Le Passe-broussaille en 1996, La Porte d’ivoire en 2001 et finalement Avilion en 2012, tous chez Denoel et par la suite chez Folio SF. Au cours des années Robert et sa saga ont remporté 3 British Science Fiction Association award, le World fantasy award et le Grand prix de l'imaginaire.

 

En 2001 un autre cycle a vu le jour sous le nom de Codex Merlin (Le Pré aux clerc). Il raconte la vie de l’enchanteur avant qu’il ne rencontre Arthur. Et plus spécifiquement comment après avoir secondé Jason dans sa quête de la toison d’or, il l’aidera à nouveau à soustraire ses deux fils des griffes de Médée.

 

Outre ces cycles, deux excursions hors de la fantasy mythologique sont pour moi particulièrement mémorables.

Le souffle du temps (Denoël, 2004) est un roman de science-fiction ayant pour théâtre une planète où soufflent les vents du temps. Ces derniers déposent dans leur sillage des objets étranges d’autres âges et affectent profondément l’esprit humain, quand ils ne les emportent pas tout bonnement. Ce roman a été particulièrement salué pour sa profondeur psychologique et montre une nouvelle fois le talent de Robert Holdstock lorsqu’il s’agit de peindre un monde et le faire chanter. Qu’il s’agisse d’une forêt ou tout autre chose.

Nécromancien (Mnémos, 2006), lui, est un roman d’horreur fantastique que j’ai découvert tardivement, un peu au hasard. Il y est question d’enfant possédé et d’églises qui explosent. Il s’agit d’un livre publié initialement en 1978 outre manche et qui ne nous est parvenu que 28 ans plus tard. La violence crue dont il recèle, les présences intangibles et inquiétantes qui se manifestent tout au long du récit préfigurent certaines facettes de La Forêt des mythagos.

Pour les amateurs d'histoires courtes, la nouvelle L’Arbre aux épines, coécrite avec Garry Kilworth et récompensée par un World fantasy award concentre beaucoup des thématiques chères à l’auteur. De Gilgamesh au Christ, ce texte nous fait suivre par le biais de l’archéologie la trace d’un arbre aux propriétés étranges qui ne traîne jamais ses racines bien loin du divin ou de l’immortel. Cette novella figure dans la première (et unique) Anthologie de Dystopia, parue en 2012.

 

Pour en revenir à cette fameuse forêt, sans trop en dire car je tiens très fort à laisser intact le plaisir de la découvrir et s’y perdre. Robert Holdstock était un écrivain marcheur. Il passait son temps à sillonner campagnes et forêts, en France notamment. La Forêt des mythagos est l'oeuvre d'une âme contemplative et rêveuse, associée à un esprit scientifique. L'environnement de ses romans a été nourri par son savoir et son observation de la nature. Le mot est étrange à utiliser lorsque l'on parle d'ouvrages de fantasy mais il y a là quelque chose de profondément réaliste. Peupler ce cadre avec des figures de mythes et de contes produit un contraste fascinant.

 

Ce sont des romans déroutants, et j’en conviens, peut être pas pour tout le monde. Pourtant, ils m’ont suffisamment affecté pour changer -rien qu’un peu- le cours de ma vie.

 

Robert Holdstock est décédé subitement en novembre 2009, ce mythago tout en rayonnages et en papier lui est dédié.