Les feux de la Sierra
Les obus de mortier éclataient comme d'énormes tulipes rouges. Le vacarme de leurs explosions, renvoyé par les murs de béton et les parois rocheuses, revenait avec un curieuse sonorité creuse et il semblait que l'accompagnaient des ondes de chaleur. En tous cas, la terre résonnait et tremblait. L'attaque était déclenchée et c'était tout l'île de Cuba qui frissonnait de gloire. Tout le pays, la mer, le ciel, le monde. Ce serait un jour décisif.
En face, une mitrailleuse tripode se mit à hoqueter. Des balles, dont quelques-uns trainaient du feu, passèrent comme des bolides, en claquant. Il y avait comme des bris de vitres et puis un souffle fantastique s'évadait : des châssis métalliques arrachés et qui tombaient en grand fracas, des portes qui se brisaient avec des craquements horribles, des tuiles qui partaient en miettes, des murailles qui se fendaient avec des bruits d'éboulement.
Par-dessus tout : les cris des hommes. Il y avait toutes sortes de cris : des hurlements, des glapissements, des vociférations, des stridences horripilantes, des râles, des coups de gueule, des clameurs, des époumonements injonctifs... Les murmures et les gémissements, les plaintes qu'on ne pouvait entendre mais auxquelles on pensait malgré soi.
Là-bas, dans le Cuartel des Granaderos, la mort tombait sans crier gare. Un obus toutes les dix secondes.
Caractéristiques
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Feu
n° 122
- 252 pages