Zabor
EAN : 9782330081737
ISBN : 978-2-330-08173-7
Orphelin de mère, mis à l’écart par son père, il a grandi dans la compagnie des livres qui lui ont offert une nouvelle langue. Depuis toujours, il est convaincu d’avoir un don : s’il écrit, il repousse la mort ; celui qu’il enferme dans les phrases de ses cahiers gagne du temps de vie. Telle une Shéhérazade sauvant ses semblables, il expérimente nuit après nuit la folle puissance de l’imaginaire. Ce soir, c’est auprès de son père moribond qu’il est appelé par un demi-frère honni...
Fable, parabole, confession, le deuxième roman de Kamel Daoud rend hommage à la nécessité de la fiction et à l’insolente liberté d’une langue choisie.
"Pourquoi raconte-on des histoires depuis toujours ? Pour contrer le temps ? La peur ? Peupler la nuit par un feu et un récit ? Pour s’amuser ? Il y a dans ce rite immémorial une nécessité, un besoin et pas seulement un désir. Car lorsqu’on raconte ou lorsqu’on écrit, l’histoire a un début et une fin, contrairement au monde et à ses étoiles qui parsèment nos interrogations. L’histoire en est l’alternative, la possible cohérence, notre part : il y a la pierre tombale et la première pierre, la quête et le triomphe. Cette nécessité de la parole, qui plus tard deviendrait livres, m’est apparue très tôt comme une évidence. Les Mille et Une Nuits en résument la formule : une femme raconte pour sauver sa vie. La sienne, seulement. Alors que toute la littérature est là pour sauver la vie des autres, autant que possible, la part humaine.
Sauf que, pour écrire ou raconter, il faut un feu pour fixer le voyageur et une langue qui maîtrise la peur nocturne. L’aventure de la langue n’est pas dans l’extension de sa synonymie vertigineuse mais dans celle de notre puissance, celle du narrateur et de l’auditeur. La langue est une aventure en soi. Possibilité de libération, preuve de liberté : prendre la parole, c’est amoindrir un dieu qui l’accapare. Dans mon pays, elle est dissidence, elle est le lieu des imaginaires désobéissants. Comment raconter le monde entre le récit de la guerre de libération, qui fait passer la mort avant la vie, et le récit des religieux, qui fait passer l’au-delà avant l’ici-bas ? C’est une question qui obsède mon écriture : prouver que le monde existe !
J’ai écrit Zabor pour raconter mes croyances : toute langue est autobiographique. Écrire, c’est se libérer ; lire, c’est rejoindre ou embrasser ; imaginer, c’est assurer sa propre résurrection. Le dictionnaire est une escalade du sens. Mais aussi une impasse : les livres sacrés racontent la chute mais ne disent rien du goût du fruit défendu. La langue est dans l’antécédent du mot : le goût. C’est aussi le but de cette fable, rappeler cette hiérarchie.
L’idée était de sauver la Shéhérazade des Mille et Une Nuits et de reposer la plus ancienne des questions : peut-on sauver le monde par un livre ? Vieille vanité à laquelle le dieu des monothéismes a cédé quatre ou cinq fois."
K. D