Rire de verre
Mille huit cent soixante-cinq fut une de ces années bénies où, si l’on en croit les livres d’Histoire, il ne se produisit rien de notable : ni guerre, ni révolution, ni assassinat de tête couronnée, ni incendie ravageant la capitale — rien. Le Second Empire se contentait de briller de tous ses ors. Et, pour que les Parisiens se croient promis à un bonheur sans fin, l’été, lumineux, embaumait la cannelle et le mimosa.
Simon Piérac, trente ans, joli garçon, vivait dans une mansarde assez spacieuse pour qu’il s’y sentît à l’aise, et suffisamment isolée pour que nul ne s’interrogeât sur ses habitudes. Au milieu d’un mobilier sommaire, quoique de bon goût, le seul objet remarquable était une grosse malle aux bois arrondis, aux cuivres luisants, où il rangeait ses trésors avec méthode.
Acteur manqué, le physique ne compensant pas toujours l’absence de relations, il travaillait comme accessoiriste au théâtre des Privilèges sous les ordres de la redoutable Mme Olympe, costumière en chef : une matrone à la voix de stentor et à l’imposante coiffure queue-de-vache. Face à elle, il s’astreignait à se montrer efficace, docile et surtout respectueux. Ce qui n’empêchait pas l’autre de le rabrouer à tout propos. L’hiver précédent, pourtant, clouée au lit par une forte bronchite, elle dut se résoudre à lui confier sa clef de la Réserve, à la condition expresse qu’il la lui rende dès son retour. Accueillant cette marque de confiance avec l’humilité requise, il s’en montra digne en tout point. À ceci près que s’il restitua bien la clef, il prit soin d’en garder un double, fabriqué à la hâte par un serrurier complaisant.
Caractéristiques
- Date de parution
- Prix éditeur
- Éditeur
- Collection
- Nombre de pages
- 21/10/2010
- 0,99 €
- 15 pages