Peinture de nuit
Au-dehors, la nuit gronde. Les cieux se délitent. La pluie tombe avec une obstination mauvaise, changeant les rues en bourbiers, grêlant la surface des canaux, pénétrant fenêtres et toits. Dans les bas quartiers, de rares passants cahotent entre les flaques. Çà et là, un néon clignote, puis s’éteint. Mais personne ne lui accorde un regret : on fuit la tourmente, on se terre dans les maisons. L’ombre et l’orage pèsent depuis si longtemps qu’il semble que le soleil ne se lèvera jamais. Plus d’aurore. Plus de jour. Des ténèbres striées d’eau jusqu’à la fin des temps…
« Et le bleu du ciel, alors ? » s’enquiert le berger Tircis, adossé à une souche, les jambes croisées dans l’herbe fraîchement peinte. « J’aimerais bien le voir, tout de même ! Quand vas-tu t’y attaquer ? »
Ses cheveux gris en bataille, Albrecht ne répond pas. Du bout du pinceau, il achève de fignoler une pâquerette, histoire d’éclairer un peu le tableau. Puis il se recule et considère son œuvre. Ah, retrouver la grâce des pastorales d’antan… La pièce est extrêmement sombre, et les journaux qui colmatent la lucarne n’arrangent rien. D’ailleurs, quelle lumière attendre de l’extérieur ? L’averse a eu raison du réverbère du coin. Quant à la lueur des éclairs, elle détruit tout ce qu’elle touche.
Ma chandelle est morne,
Je ne vaux pas mieux.
Caractéristiques
- Date de parution
- Prix éditeur
- Éditeur
- Collection
- Nombre de pages
- 21/10/2010
- 0,99 €
- 10 pages