Mérélune
La mer est bonne sorcière. Elle perd l’homme qui la sert.
À Raïmo le pêcheur, elle donne des congres, des baudroies, des langoustes. Du fil à retordre, surtout. À longueur de journée — la nuit aussi, parfois —, il trime sur son bateau, tire sur ses filets, joue de la voile et de la rame, défie eau, sel et vent, durcit ses muscles en un corps à corps qui n’en finit pas. Elle, en échange du poisson qu’elle lui accorde, lui prend sa jeunesse, mois par mois, sans qu’il s’en aperçoive, sinon quand il rentre chez lui, le soir, dans sa maison aux pierres couvertes de lichen.
Sa jeunesse… Il va sur ses quarante ans, bientôt. Boiteux de naissance, il n’a pas trouvé les mots pour dire aux filles du pays que, faute de savoir danser, il avait le pied marin et de l’endurance pour deux. L’une après l’autre, elles en ont choisi de plus beaux. Alors, par les aubes claires de juin, il prie en secret Mérélune, la Dame du fond des eaux, de lui envoyer une femme?: une épouse qui l’aimerait, tiendrait son foyer, s’inquiéterait devant un ciel trop noir, se signerait les jours de tempête?; et, avec elle, un fils à qui il apprendrait à naviguer, à remonter les courants, à lancer un filet sur un banc de maquereaux…
Mais rien ne vient. Dans les grottes liquides des profondeurs, la Dame des légendes reste indifférente à sa supplique. Il sait bien, d’ailleurs, qu’il est dangereux de l’invoquer. Aux hommes qui lui déplaisent, ses doigts transparents lancent parfois des sorts. De ceux dont on ne parle qu’à voix basse…
Des sortilèges de verre.
Caractéristiques
- Date de parution
- Prix éditeur
- Éditeur
- Collection
- Nombre de pages
- 21/10/2010
- 0,99 €
- 12 pages